• LEMONDE | 07.08.10 | 13h45  •  Mis à jour le 07.08.10 | 13h45
        
    Les négociations sur le climat ne sont pas sorties de l'ornière où les a laissées l'échec de la conférence de Copenhague, en décembre 2009. Les délégués de 178 pays réunis à Bonn, du 2 au 6 août, pour aplanir la route vers un accord international avant la Conférence des Nations unies sur le climat, à Cancun, au Mexique, du 29 novembre au 10 décembre, se sont séparés sur un constat d'échec. Baisse des émissions, aide aux pays pauvres, protection des forêts... aucun des sujets sur la table n'a connu d'avancée.
    L'annonce, fin juillet, de l'ajournement du projet de loi sur l'énergie aux Etats-Unis, interprétée par des gouvernements du Sud comme le signal que Washington ne tiendrait pas ses engagements sur le climat, a largement contribué à crisper les négociations.
    Les discussions ont repris sur la base d'une nouvelle version du texte proposé au mois de juin par la diplomate zimbabwéenne Margaret Mukahanana-Sangarwe. Cette synthèse, qui reprend les termes de l'accord de Copenhague et les propositions de différentes parties, doit servir de base à un accord.
    Mais loin de permettre de choisir parmi les nombreuses options entre crochets laissées à la décision des négociateurs, le travail en groupes thématiques de la semaine écoulée n'aura fait que compliquer le paysage. Des délégations, notamment celles des pays en développement et des grands émergents, qui jugent ce texte trop favorable aux pays riches, ont réintroduit certaines de leurs exigences initiales. Et de 45 pages le 2 août, le document était passé à 100 feuillets vendredi.
    Les tensions restent vives entre pays riches et monde en développement. Si les discussions entre pays industrialisés ont permis d'affiner les mécanismes qui succéderont au protocole de Kyoto, qui prend fin en 2012, les représentants du Sud ont rappelé que les engagements actuels des gouvernements du Nord ne suffiront pas à limiter le réchauffement à 2°C.

    DÉCISIONS SECTORIELLES
    La Costaricienne Christiana Figueres, qui a succédé, le 1er juillet, au Néerlandais Yvo de Boer à la tête de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a appelé les pays du Nord à honorer d'urgence l'engagement, pris à Copenhague, de verser 30 milliards de dollars aux pays du Sud d'ici à 2012. Un geste indispensable, selon elle, pour avancer vers un accord.
    Une dernière réunion de préparation est prévue à Tianjin, en Chine, en octobre. Mais pour la plupart des observateurs, la conférence de Cancun permettra, dans le meilleur des cas, d'adopter des décisions sectorielles - forêts, transferts de technologies... -, renvoyant la conclusion d'un accord global et contraignant au mieux à la conférence, fin 2011, en Afrique du Sud.
    Grégoire Allix


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  • Les diplomates du climat sont repartis pour une semaine de négociations. Ils devront notamment examiner l’esquisse de l’accord international qui pourrait être conclu en décembre prochain.
    Et c’est reparti ! C’est aujourd’hui, lundi 2 août, que reprennent les négociations climatiques, sous l’égide de l’ONU. Selon la terminologie onusienne, il s’agit de la 11 e session du groupe de travail spécial sur l’action concertée à long terme au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (AWG-LCA, selon l’acronyme anglais) et de la 13 e session du groupe de travail spécial sur les nouveaux engagements des parties à l’annexe 1 au titre du protocole de Kyoto (AWG-KP).
    Ces aréopages comprennent, pour le premier, les représentants des pays ayant ratifié la convention Climat de 1992 et, pour le second, les négociateurs des pays ayant ratifié le protocole de Kyoto. Grosso modo, les deux enceintes réunissent à peu près les mêmes diplomates, à l’exception des Etats-Unis, qui n’ont pas ratifié Kyoto. Initialement, les membres des deux assemblées devaient imaginer des solutions pour prolonger l’action du protocole signé en 1997, dont la période d’engagement s’achève en 2012.
    Dans l’immédiat, les diplomates doivent réussir une subtile alchimie. Mettre enfin en application l’accord de Copenhague de décembre 2009, et s’accorder également sur un texte qui pourrait servir de base à un accord international, -  lequel serait scellé lors du prochain sommet climatique de Cancun, en novembre-décembre prochains.
    Présenté lors de la conférence de Bonn du printemps dernier, un projet de texte existe. Mis sur la table le 10 juin par la présidente de l’AWG-LCA, la diplomate zimbabwéenne Margaret Mukahanana-Sangarwe, il fait déjà 45 pages, contre 21 initialement.
    En résumé, il propose une dizaine de grandes idées. Le réchauffement climatique devrait être limité, entre 1 (nous y sommes presque) et 2°C . La négociation reste ouverte. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropiques devraient commencer à s’infléchir après 2020. Vers 2050, les rejets devraient avoir globalement diminué (de 25 à 50 %, selon les versions du texte). Ce qui implique des pays développés (en gros, les pays de l’annexe 1 du protocole de Kyoto) qu’ils diminuent leurs émissions de 75 à plus de 95 % (toujours selon les versions du texte) d’ici 2050. Dictés par la climatologie et la politique, ces objectifs vont bien au-delà des propositions faites, au début de l’année, par 38 pays émergents et tous les pays industrialisés.
    Ces mêmes pays riches pourraient consacrer 100 milliards de dollars (75,94 milliards d’euros) par an (ou 1,5 % de leur PIB), à partir de 2020, pour financer la réduction des émissions de GES, l’adaptation aux conséquences des changements climatiques et le transfert de technologies sobres vers les pays du Sud.
    Parallèlement, ces pays en développement devraient, selon leurs moyens, engager des politiques nationales d’allègement de leur bilan carbone. Politique dont l’inévitable prémisse serait la mise en place et la publication régulière d’inventaires d’émission de GES.
    Bref, on tourne toujours autour des mêmes sujets depuis plusieurs années. Une nouveauté toutefois : la conférence de Bonn est présidée par la toute nouvelle patronne du secrétariat de la convention sur les changements climatiques, Christiana Figueres. Lundi, lors de son discours d’accueil, la successeure d’Yvo de Boer a rappelé que les pays du Nord se sont engagés, fin décembre, à verser 30 milliards $ (22,78 milliards €) aux pays du Sud d’ici 2012. Une promesse qui conditionne, à l’évidence, la conclusion du prochain accord climatique international.

    Journal de l'environnement, lundi 2 août


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  • Deux récents rapports rendus à quelques jours d'intervalle, réhabilitent le GIEC, fortement malmené par le Climategate. A cette occasion, Naomi Oreskes, professeur d'histoire des sciences à l'Université de San Diego, aux Etats-Unis, et auteur du livre « Marchands de doutes »*, revient sur l'impact de ces rapports sur la diffusion des idées climatosceptiques.
    Début juillet deux rapports relatifs à l’affaire du Climategate, l’un de l’agence néerlandaise d’évaluation de l’environnement et l’autre mené par une commission scientifique indépendante à la demande de l’Université anglaise d’East Anglia ont été publiés (voir documents liés). Le premier estime que le Giec n’a pas commis d’erreurs « majeures » dans son rapport de 2007. Le deuxième minimise la polémique initiée en novembre 2009 par la publication de mails provenant des chercheurs de l’Université d’East Anglia (CRU) et qui tendaient à montrer que les chercheurs avaient manipulé et dissimulé des données pour accréditer la réalité du réchauffement climatique. Selon le rapport britannique dirigé par Sir Muir Russel, les chercheurs du CRU ont certes produit une courbe de variation « trompeuse » destinée à illustrer un rapport de l’organisation météorologique mondiale publiée en 1999 mais celle ne visait pas à « manipuler » les données. « Il n’y a aucune preuve que le comportement des chercheurs du CRU fragilise les conclusions du rapport du GIEC », conclut ainsi le rapport qui estime que la « rigueur et l’honnêteté » des scientifiques « ne peuvent être mises en doute ». Pour autant cela sera-t-il suffisant pour convaincre l’opinion, notamment dans les pays anglo-saxon où la polémique a été extrêmement violente? L’historienne des sciences, Naomi Oreskes et le coauteur du livre « Merchants of doubt »*, Eric Conway, nous expliquent pourquoi cela sera difficile.
    Novethic. Après l’affaire du climategate qui remettait en cause les méthodes des scientifiques du GIEC, deux  rapports viennent de blanchir le panel scientifique. Cela va-t-il mettre un point final à la polémique ?
    Naomi Oreskes. Dans l’immédiat : non, car les « semeurs de doutes » ne sont pas motivés par le souci d’une science de qualité mais par un engagement idéologique à la fois en faveur du libre marché et en hostilité à la règlementation gouvernementale destinée à prévenir les méfaits de l’environnement. Ils vont maintenant prétendre à une dissimulation et trouver de nouveaux moyens de semer le doute. Si l’histoire est un guide, mettons cette affaire au regard d’autres polémiques que nous chroniquons dans le livre et où les méthodes employées ont été similaires : le tabac, les pluies acides, l’appauvrissement de la couche d’ozone. Même si la science l’emporte, ma crainte est double : qu’avant que cela ne soit établi, des dommages irréparables soient causés et qu’il faille attendre qu’une catastrophe arrive avec des dizaines de milliers de morts pour qu’ils perdent toute crédibilité.
    Qui sont-ils finalement les climato-sceptiques aux Etats-Unis ?
    Naomi Oreskes. Nous ne les appelons pas sceptiques car ce terme est en fait inapproprié pour eux. Tous les vrais scientifiques sont sceptiques, dans le sens où un doute sain fait partie de la science au même titre que la curiosité, l’ouverture d’esprit, la démarche explicative et surtout, le respect des preuves. Les « semeurs de doutes » ne sont pas sceptiques. Ils ne basent pas leurs conclusions sur le poids des preuves scientifiques, au contraire. Sur le
    réchauffement climatique, les premiers ont prétendu qu’il n’y avait pas de réchauffement, puis ils ont fait valoir qu’il s’agissait simplement d’une variabilité naturelle due au soleil notamment et maintenant ils font valoir qu’il reste minime et que nous pouvons nous y adapter. Chacune de ces étapes sont contraires aux conclusions de la vaste majorité d’experts scientifiques qui ont produits des éléments de preuves. Certaines personnes les appellent donc plus « contradicteurs » parce que leurs opinions sont toujours contraires à la grande majorité des experts scientifiques.
    Quelles sont leurs méthodes ?
    Naomi Oreskes. Leur tactique est la création d’un village Potemkine autour de la science : un travail qui ressemble à de la science mais qui n’en est pas. Et l’utilisation des médias bien sûr.
    Eric Conway. Par exemple, ils ont créé une organisation appelée le George C.Marshall Institute, à l’origine pour promouvoir l’initiative de défense stratégique du Président Reagan. Mais après la Guerre froide, l’institut à commencé à produire des « livres blancs » mettant en doute la réalité de la dégradation de la couche d’ozone et du réchauffement climatique. Ils étaient faits à la manière scientifique, avec des tableaux, des graphiques, des notes de bas de page, mais sans rigueur, ni respect pour les preuves et souvent sans cohérence avec ce que la science demande. Le premier travail concernant le réchauffement climatique que nous avons trouvé est intitulé : « Réchauffement climatique : qu’est ce que la science nous dit ? » et a été présenté à la Maison blanche sous l’ère du premier Bush en 1989.
    Comment les « marchants de doutes » ont réussi à avoir une telle influence ?
    Naomi Oreskes. Ils sont à la fois très bien financés et bien organisés. Ils travaillent par le biais de think-tanks qui apparaissent à première vue indépendants et objectifs, comme le George Marshall Institute et le Cato Institute, puis ils produisent des rapports qui semblent être de nature scientifique. Le fait que ceux-ci soient cités par la presse ne permet pas au public de comprendre qu’ils ne sont pas des instituts scientifiques mais qu’en fait ils sont financés par des industries règlementées ou qui ont un intérêt à contester les preuves scientifiques, comme l’industrie du charbon. Les « semeurs de doutes » ont aussi exploité le « sens de l’équité » des journalistes en demandant à ce qu’ils aient un espace équivalent pour exposer leurs vues. Et l’ont souvent obtenu.
    Certains médias anglo-saxons ont fait leur mea culpa comme le Sunday Times. Quel a été leur rôle dans cette affaire ?
    Naomi Oreskes. Un rôle honteux. Les médias se sont précipités sur les allégations fondées sur les courriels et qui ont été prises totalement hors contexte. Certains étaient vieux de plusieurs années, voire de plus de dix ans…les médias n’ont pas enquêté sur ce qui se passait réellement. Ils ont juste sautés dans le train de Schadenfreude (ils ont profité du malheur d’autrui, ndlr).

    Novethic 13072010
    *“Merchants of Doubt: How a Handful of Scientists Obscured the Truth on Issues from Tobacco Smoke to Global Warming”, Naomi Oreskes et Erik Conway, mai 2010 (encore non traduit en français).


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  • L’Agence des Nations-Unies sur le changement climatique, prête à tout pour sauver le protocole de Kyoto ? Dans un document publié le 20 juillet, le secrétariat de l’Agence des Nations Unies a pour la première fois détaillé les options pour éviter le « vide juridique » après 2012. L’échec de la conférence de Copenhague de décembre 2009 semble en effet avoir anéanti tout espoir de parvenir à un accord sur l’ « après Kyoto ».
    Les objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz effet de serre (- 5% au minimum de réduction globale par rapport aux niveaux de 1990) prennent fin en 2012. Il avait été prévu d’amender l’annexe B du protocole, qui détaille les objectifs par pays, pour fixer de nouveaux caps à partir de 2013. Les Etats parties auraient dû adopter cet amendement lors de la conférence de Copenhague, en décembre 2009, avant d’enclencher les procédures de ratification nationale. En vain. Aucun accord n’a été trouvé, ce qui arrange la plupart des pays encore très loin d’honorer leurs engagements de réduction des émissions.
    Que faire, donc, pour éviter toute « césure » en 2012 ? Le document du secrétariat tente d’apporter des solutions pour alléger la procédure d’amendement. Tout cela pour rattraper le retard pris dans les négociations. Mais pour simplifier cette procédure, le protocole doit lui-même être amendé… « Le secrétariat est coincé et n’a pas grand-chose à proposer », analyse Morgane Créache, directrice du pôle international au Réseau action climat (RAC) France.
    Le papier d’information du secrétariat, complexe, détaille quelques options envisageables pour pallier à ce « manque de volonté politique », selon la directrice. Parmi les suggestions pour l’après 2012, une période de transition appliquant les objectifs actuels, dans l’attente d’une ratification de l’amendement. Les Nations-unies proposent aussi d’alléger la procédure normale en supprimant la nécessité d’un vote à l’unanimité.
    « Ces propositions ne sont pas une surprise, admet Morgane Créache, mais elles ont le mérite de briser un tabou, car personne n’en parlait lors des conférences ». Le RAC espère que ces déclarations vont inciter les Etats à accélérer le processus de négociation. Un vide juridique après 2012 présente un risque. A savoir un relâchement des politiques de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Perspective peu souhaitable selon l’ONG, qui redoute que les objectifs déjà peu ambitieux de la période 2008-2012 ne soient réduits à néant.
    « C’est déjà un échec d’en arriver là, déplore Morgane Créache, mais le scénario catastrophe serait l’abandon du protocole de Kyoto, pour lui substituer l’accord de Copenhague, non contraignant ».
    Le document sera examiné lors d’une réunion internationale à Bonn (Allemagne) en août. Un arrangement reste encore possible pour sauver le protocole de Kyoto. Seulement si les Etats le veulent bien.

    Journal de l'environnement 22 juillet 2010


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  • Comment faire si le sommet de Cancún, qui aura lieu fin 2010, échoue comme celui de Copenhague ? Car la période d’engagement du protocole de Kyoto se termine fin 2012, et la ratification de son éventuel successeur, avec passage par les Parlements, « pourrait prendre un temps considérable », estime l’ONU dans un document décortiqué par le Guardian.
    Pour éviter tout « vide politique », les Nations Unies évoquent tout d’abord la possibilité de repousser la date butoir à 2013 ou 2014. Mais comme il faudra tout de même trouver un remplaçant le plus rapidement possible, elles proposent d’en finir avec la règle de l’unanimité, nécessaire pour tout nouvel amendement à l’accord initial. Un seuil abaissé à 4/5 « est une bonne manière de forcer les pays qui traînent des pieds et jouent la carte du veto en permanence à s’engager dans des discussions constructives », estime Farhana Yamin, chercheuse à l’Université du Sussex, dans un autre article consacré au sujet par le quotidien britannique.
    Revers de la médaille, cela permettrait aux pays qui refusent certains amendements de ne pas les reconnaître au lieu de bloquer leur adoption. « La question centrale est de savoir si les États-Unis et la Chine accepteront un amendement, car le monde ne peut pas avancer sans ces pays », avertit Mark Lynas, qui conseillait les Maldives à Copenhague.


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