Journal de l'environnement 23 novembre 2010 par Valéry Laramée de Tannenberg et Sabine Casalonga
Les négociateurs français pensent qu’un accord a minima pourrait être conclu lors du sommet climatique qui s’ouvre lundi. Les associations, elles, mettent la barre nettement plus haut.
Un an après le semi-échec de Copenhague, un léger vent d’optimisme souffle sur les négociateurs du climat. Ce mardi 23 novembre, recevant l’Association des journalistes de l’environnement (AJE), les principaux négociateurs français ont décrit l’état des discussions internationales. Et les nouvelles sont plutôt bonnes.
Après 4 principaux rounds de tractations depuis le début de l’année, certains dossiers se débloquent. « Au cours des premières réunions, nous avons subi toutes les critiques portées sur l’Accord de Copenhague. Puis nous avons rédigé un draft d’accord bardé d’options entre crochets », explique Paul Watkinson, chef de l’équipe de négociation.
Mieux, un succès est envisageable à l’issue des 16 e conférence des parties à la convention de l’ONU sur les changements climatiques (COP 16) et 6 e conférence des parties au protocole de Kyoto (MOP 6) qui se tiendront à Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre. « Nous pouvons obtenir un jeu de décisions portant sur des éléments provisoires et partiels. En attendant un accord plus complet qui pourrait être conclu lors de la réunion de Durban (COP 17-MOP 7) en 2011 », avance Brice Lalonde, ambassadeur en charge des négociations sur le climat.
Les discussions étant en cours, le contenu de ce « jeu de décisions » est loin d’être arrêté. Mais, compte tenu de l’état des « marchandages », il est imaginable d’en dresser un sommaire plausible. Ce texte devrait reprendre les principaux points de l’Accord de Copenhague. Ce qui, après le vote de l’assemblée plénière dela COP , leur donnera enfin force de loi.
Faute de cadre juridique satisfaisant, les participants au sommet de Cancun pourraient aussi instaurer une seconde période d’engagement du protocole de Kyoto. Celle-ci pourrait courir de 2013 à 2020, à l’instar des engagements unilatéraux pris par les pays membres de l’Union européenne (paquet Energie-climat). Reste à convaincre les gouvernements canadien et japonais qui restent, pour le moment, hostiles à l’idée.
Toutefois, bien des sujets délicats restent sur la table. A commencer par les financements à long terme. Dans l’Accord de Copenhague, les pays les plus industrialisés se sont engagés à débloquer 100 milliards de dollars (74,45 milliards d’euros) par an à partir de 2020 pour financer la réduction des émissions et l’adaptation dans les pays en développement. Récemment, un groupe de travail, mandaté par l’ONU, a conclu à la faisabilité du dispositif, malgré la crise économique. A condition, toutefois, de faire preuve d’une certaine créativité financière.
Directement lié au sujet précédent, vient l’inextricable sujet des MRV. Il s’agit, en clair, des méthodes de mesure, de publicité et de vérification ( Measure, Reporting, Verification en anglais, d’où l’acronyme onusien de MRV) pour évaluer les effets des politiques climatiques que mettront en place les pays émergents et en développement. La mise en œuvre de ces MRV est réclamée par les pays industrialisés, qui financeront ces politiques et veulent être sûrs que l’argent investi ne l’aura pas été en pure perte. Problème, lesdits MRV sont considérés par certains pays, dontla Chine , comme attentatoires à leur souveraineté.
Ces MRV conditionnent aussi le démarrage du système Redd + de lutte contre la déforestation tropicale. Si l’on ne peut pas évaluer l’économie d’émissions réalisée en sauvegardant la forêt brésilienne ou congolaise, on peut difficilement monétiser les crédits carbone qui seront émis par les pays luttant ou finançant la lutte contre la déforestation.
Les ONG risquent de ne pas se satisfaire des espoirs entretenus par les négociateurs tricolores. Au cours d’un point-presse, également tenu mardi, le réseau Action climat-France (RAC-F) et Greenpeace ont tenu à rappeler « leurs » objectifs de Cancun.
« Le sommet de Cancun devra fixer le cadre d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, pour qu’un accord soit scellé fin 2011 », explique Sébastien Blavier du RAC-F. Plusieurs points conditionnent toutefois un accord sur un éventuel « Kyoto II ».
Pour préserver son « intégrité environnementale », les ONG préconisent une refonte du mécanisme de développement propre (MDP) pour éviter les effets d’aubaine [voir le JDLE], le règlement de la question des quotas excédentaires et un accord sur les règles de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation des terres, à leur changement d’affectation et à la foresterie (« Lulucf », en anglais).
Les associations écologistes prônent aussi une reconnaissance de l’écart entre la science et les engagements politiques. De fait, la science et la Feuille de route de Bali, adoptée en 2007, préconisent une réduction de 80 % des émissions de GES des pays les plus industrialisés d’ici 2050 par rapport à 1990, pour limiter le réchauffement à1,5°Cen 2100. Or les engagements volontaires pris, conformément à l’Accord de Copenhague par les pays industrialisés (Etats-Unis inclus) sont compris entre -7 % et -13 % d’ici 2020. Si cette tendance n’est pas infléchie, l’Humanité émettra entre 8 et 12 gigatonnes équivalent CO 2 de trop par an. « Un plan d’action pour combler ce ‘gap’ devrait être défini urgemment d’ici 2011 sous l’égide delaCOP », souligne Sébastien Blavier. Un sacré vœu pieux.