• L’ONU rechigne à verser les crédits carbone aux destructeurs de HFC23. Ceux-ci sont soupçonnés de produire trop de ce gaz à effet de serre. Pour toucher plus ?

    Le débat sur les gaz réfrigérants a pris, cet été,des airs d’affaire Dreyfus de la finance carbone. Inclure la destruction de ces gaz industriels dans le mécanisme de développement propre (MDP)est de plus en plus contesté. Le fait n’est pas nouveau. Depuis 2006, des ONG s’interrogent sur l’opportunité d’assurer des crédits à ces projets. La manne financière que représentent ces crédits produit un effet d’aubaine : les chimistes se voient incités à produire des gaz réfrigérants, non pas pour les vendre, mais pour récupérer des crédits CER dans l’opération. Mais cette fois, l’ONU, via le bureau exécutif du MDP (BEMDP), a interrompu les livraisons de crédits pour obtenir de plus amples informations. La Banque Mondiale, qui investit dans de tels projets et le lobby de la finance carbone, l’IETA, se sont rapidement insurgés contre cette décision, alors que les ONG estiment avoir gagné une manche.
    Produire pour détruire
    « Il y a des preuves évidentes que les industriels produisent des HFC-23 simplement pour les détruire et gagner des crédits CER », selon Mark Roberts, de l’Environmental Investigation Agency, une ONG sur l’environnement qui bataille sur ce sujet depuis plusieurs années. L’association, à laquelle d’autres se sont jointes (Sandbag, par exemple), souhaite que le MDP « élimine les motivations financières perverses qui encouragent la production de gaz réfrigérant».
    Le GES qui monte
    L’EIA s’appuie sur une étude de chercheurs américains parue, début 2010, dans Geophysical Research Letters (Recent Increases in HFC-23 emissions, Montzka et alii). Les chercheurs y ont analysé la concentration dans l’atmosphère de gaz réfrigérants. Ils en concluent que la présence de HFC 23 a progressé ces dernières années, et lient le phénomène au MDP. Mais l’étude s’appuie sur des données empiriques, puisqu’il s’agit de relevés réalisés entre 2000 et 2009 lors d’excursions dans l’Antarctique. « Le problème, c’est que l’on manque de données
    fiables sur le marché des gaz réfrigérants », assure un expert du marché du CO2. Et de fait, les statistiques sur les quantités de gaz produites et leurs prix de vente ont tendance à rester confidentielles.
    Selon la rumeur, les prix se seraient effondrés en 2009 – ce qui est le cas de toutes les matières premières. Fin août, le BEMDP a donc demandé à cinq producteurs dudit gaz de fournir 10 ans d’historique de leurs statistiques de production, sur l’évolution de l’offre, de la demande et des tarifs de vente. Parmi ces 5 chimistes sur les 19 producteurs de gaz réfrigérant qui reçoivent actuellement des crédits CER, on retrouve surtout des groupes chinois, mais aussi des occidentaux comme BP, qui n’en est plus à une catastrophe environnementale près... Mais selon une source proche du BECDM, il est probable que les 19 producteurs de gaz réfrigérant concernés passent à leur tour à la question. Ce qui permettrait d’avoir enfin une vue d’ensemble du marché.
    *http://www.agu.org/journals/gl/gl1002/2009GL 041195/2009GL041195.pdf


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  • Le Monde 30.08.10 | 12h43

    Les Nations unies sont-elles en train de reconnaître l'existence d'une énorme faille dans le mécanisme de développement propre (MDP) ? En moins d'un mois, six usines asiatiques ont vu leurs allocations de crédits carbone gelées par l'ONU, le temps de vérifier si ces industries ont abusé ou non du MDP, le principal dispositif du protocole de Kyoto permettant à des pays du Nord de financer des réductions d'émissions de gaz à effet de serre dans les pays du Sud, en échange de quotas de CO2.
    Au moment où la négociation internationale sur le climat doit décider de l'avenir du protocole de Kyoto et engage les nations industrialisées à accélérer leur aide aux pays pauvres, l'affaire fait désordre. Au point que le débat technique a pris un tour très politique.
    Les installations suspectes concernent toutes la combustion du HFC23, un puissant gaz à effet de serre issu de la fabrication du gaz réfrigérant HCFC22. A eux seuls, les dix-neuf sites de destruction du HFC23 produisent la moitié des crédits carbone du MDP. Problème : selon des organisations non gouvernementales, le calcul retenu par les Nations unies, trop généreux, a conduit l'industrie chimique à gonfler artificiellement la production de HCFC22 et de HFC23. La plupart de ces crédits seraient en fait "bidon".
    FÉBRILITÉ
    Saisi du dossier, fin juillet, le bureau exécutif du MDP n'a pas officiellement condamné le mécanisme. Mais, alarmé par ses propres experts, il a visiblement décidé de le mettre en pause, y compris pour les projets déjà approuvés.
    L'arrêt pourrait être long : les Nations unies exigent désormais, avant de distribuer les crédits carbone, de pouvoir vérifier pour chaque usine dix années de données techniques et commerciales. En tout, plus de 9 millions de titres d'émission attendus par le marché sont déjà bloqués, peut-être définitivement. Et ce n'est qu'un début : toutes les demandes à venir devraient être ainsi suspendues. De quoi plonger le marché du carbone dans une certaine fébrilité.
    "Cela a un impact très fort : on s'attend à 30 à 40 millions de crédits en moins d'ici à la fin de l'année, estime Emmanuel Fages, analyste carbone chez Orbeo. D'ici à 2012, le gel des HFC23 pourrait représenter jusqu'à 150 millions de crédits carbone en moins sur un total de 900 millions attendus via le MDP." Logiquement, cette raréfaction des permis d'émission a fait bondir le prix des crédits issus du MDP de 10% en dix jours, entraînant à sa suite le prix des quotas européens, vers lesquels se replient les opérateurs.
    Surtout, l'affaire est devenue l'objet d'une polémique entre institutions internationales. La Banque mondiale a créé la surprise en se posant en défenseur des projets HFC23, sans même attendre les résultats de l'enquête onusienne. Dans un document publié sur son site Internet, l'institution balaye une à une les critiques et les doutes. Avant de conclure que "la méthodologie d'incinération du HFC23 ne devrait pas être suspendue" et qu'une éventuelle révision "devrait s'appuyer sur les conseils de l'industrie et des experts du secteur".
    UN SYSTÈME FRAGILE
    Cet argumentaire a été vivement critiqué par les ONG Environmental Investigation Agency, CDM Watch et Noé21, qui dénoncent un "conflit d'intérêt". La Banque mondiale a en effet investi, en 2006, dans deux des plus gros projets d'incinération de HFC23 en Chine – dont l'un vient d'être gelé par l'ONU –, déboursant, via son fonds Umbrella Carbon Facility, 775millions d'euros pour 130millions de crédits, dont beaucoup ne lui ont pas encore été délivrés.
    Le 25 août, c'est la commissaire européenne au climat, Connie Hedegaard, qui envenimait la polémique. "J'ai demandé à mes services de préparer de nouvelles restrictions à l'usage des crédits liés aux gaz industriels après 2012", a indiqué la commissaire, qui souhaite "une révision majeure" du MDP.
    En clair, des critères de qualité plus exigeants que ceux de l'ONU pourraient être imposés par l'Europe avant d'autoriser l'entrée des crédits carbone du MDP dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission. Une proposition pourrait être finalisée avant la conférence sur le climat de Cancun (Mexique), fin novembre, et soumise au Parlement européen. La décision serait lourde de conséquences : l'Europe reste la locomotive du marché mondial du carbone.
    Face à ces menaces sur la principale source de permis d'émission, la Banque mondiale agite le spectre d'un effondrement de l'économie du carbone : "Les réductions d'émissions de gaz à effet de serre générées par les projets HFC23 sont cruciales pour créer de la liquidité dans le marché du carbone." Protéger des crédits douteux pour ne pas ébranler le dispositif de lutte contre le changement climatique : l'hypothèse révèle à elle seule combien le système est fragile.

     

     


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  • LEMONDE.FR avec AFP | 19.08.10 | 13h58

    Une conférence ministérielle informelle sur le climat se tiendra les 2 et 3 septembre à Genève pour faire le point sur les questions de financement avant le sommet de l'ONU de Cancun, a indiqué jeudi 20 août le ministère de l'environnement helvétique. La conférence, organisée par la Suisse et le Mexique, doit réunir 45 pays dont les Etats-Unis, l'Inde, la Chine, le Brésil et l'Afrique du Sud ainsi que l'Union européenne. Pour l'instant, seuls quelques ministres ont confirmé leur présence dont l'envoyé spécial pour les changements climatiques américain ainsi que ceux du Royaume-Uni, d'Allemagne ou encore de Singapour.
    Le rendez-vous "ne fait pas partie des négociations officielles de l'ONU sur le climat", a précisé le responsable des affaires internationales de l'Office fédéral suisse de l'environnement, "mais c'est une approche qui a été choisie par le Mexique pour préparer Cancun", où se déroule la prochaine conférence des Nations unies sur le climat du 29 novembre au 10 décembre.
    RATTRAPER L'ÉCHEC DE COPENHAGUE
    Le Mexique multiplie les initiatives pour faire de Cancun un succès après le décevant sommet de Copenhague en décembre 2009. Le rendez-vous n'avait abouti qu'à un accord politique non contraignant, conclu entre une trentaine de pays sur les 192 présents, où l'objectif de limiter à deux degrés la hausse moyenne de la température de la planète n'était accompagné que de mesures très évasives sur les moyens d'y parvenir.
    Après une première conférence informelle qui s'est tenue au printemps en Allemagne, qui avait étudié l'implication du secteur privé dans la lutte contre les changements climatiques, il s'agira à Genève de discuter du financement à long terme des mesures climatiques. Les ministres attendus plancheront sur quatre sujets : le nouveau fonds pour l'environnement, les moyens pour inclure le secteur privé, la coordination des fonds et les nouvelles sources de financement. Ils entendront également les résultats de l'étude menée par le groupe consultatif international sur le financement de la lutte contre le réchauffement climatique dans les pays en développement.


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  • Changer de patron des négociations climatiques n’y aura rien fait. Le pénultième round de discussions, qui s’est achevé vendredi 6 août à Bonn, n’a pas permis de progresser d’un pouce sur le chemin d’un accord permettant de prolonger la durée de vie du protocole de Kyoto. C’est même plutôt à une reculade que l’on a assisté.
    La réunion avait d’ailleurs mal commencé. Car, à force de tout rediscuter, renégocier, les diplomates ont fait doubler le nombre de pages du projet d’accord présenté au début du printemps. Une inflation qui rappelle celle survenue l’an passé, lors de la préparation du sommet de Copenhague. Des décisions que l’on croyait définitivement adoptées sont sans cesse remises sur le tapis. A Copenhague, la communauté du changement climatique s’était quittée sur la promesse donnée par les pays les plus industrialisés d’aider ceux du Sud à se préparer aux conséquences du « réchauffement », moyennant une aide annuelle de 100 milliards de dollars (75,44 milliards d’euros) à partir de 2020. Un montant désormais jugé insuffisant par les pays africains et par les Etats-îles.
    A Copenhague toujours, l’ONU avait ordonné aux parties prenantes de présenter les programmes des objectifs volontaires de réduction d’émission. Ce qu’ils firent dans le courant du premier semestre ; un catalogue de politiques climatiques qui permettraient, selon les études, de réduire de 9 à 18 % les émissions anthropiques de gaz à effet de serre d’ici 2020. Cette dynamique est, elle aussi, battue en brèche.
    Désormais, on lui préfère l’idée de gestion commune d’un capital carbone mondial. Sachant que, pour maintenir l’élévation de la température moyenne globale à un niveau inférieur aux 2°C, l’humanité devra émettre moins de 750 milliards de tonnes de GES d’ici 2050. Tout le problème étant d’allouer à chaque pays les quantités de carbone pouvant être émises. Une répartition qui devrait prendre en compte l’histoire industrielle de chacun d’entre eux, leur démographie, etc. En prenant tous les critères d’attribution, le délégué bolivien Pablo Solon a rappelé que si les habitants des pays riches représentent 16 % de la population mondiale, leur part actuelle du gâteau carbonique se monte à 74 %. Inacceptable, bien évidemment.
    Dossier que l’on croyait, lui aussi, entériné à Copenhague, le système REDD + a également été rouvert. Certains pays souhaitant même revoir sa définition.
    Comme s’il fallait complexifier encore la donne, le négociateur mexicain [le Mexique organise à Cancun le prochain sommet climatique] a fait une étrange proposition. Faute d’un accord global, ce dont la plupart des délégués doutent désormais, Luis Alfonso de Alba a suggéré une prolongation du protocole de Kyoto pour ses 37 parties prenantes, un mini-Kyoto pour les Etats-Unis tout seuls et un accord de réduction d’émission non contraignant pour les pays émergents.
    Pour le chef de la délégation européenne, Artur Runge-Metzger, ces discussions virent au « cul-de-sac ». Une impasse dont les diplomates auront bien du mal à s’extraire. Il ne reste plus qu’une semaine de tractations, à Tianjin en octobre, pour préparer la conférence de Cancun. Plus que jamais, l’avenir de la politique climatique internationale s’annonce des plus sombres.

    Journal de l'environnement, lundi 9 août


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  • LEMONDE | 07.08.10 | 13h45  •  Mis à jour le 07.08.10 | 13h45
        
    Les négociations sur le climat ne sont pas sorties de l'ornière où les a laissées l'échec de la conférence de Copenhague, en décembre 2009. Les délégués de 178 pays réunis à Bonn, du 2 au 6 août, pour aplanir la route vers un accord international avant la Conférence des Nations unies sur le climat, à Cancun, au Mexique, du 29 novembre au 10 décembre, se sont séparés sur un constat d'échec. Baisse des émissions, aide aux pays pauvres, protection des forêts... aucun des sujets sur la table n'a connu d'avancée.
    L'annonce, fin juillet, de l'ajournement du projet de loi sur l'énergie aux Etats-Unis, interprétée par des gouvernements du Sud comme le signal que Washington ne tiendrait pas ses engagements sur le climat, a largement contribué à crisper les négociations.
    Les discussions ont repris sur la base d'une nouvelle version du texte proposé au mois de juin par la diplomate zimbabwéenne Margaret Mukahanana-Sangarwe. Cette synthèse, qui reprend les termes de l'accord de Copenhague et les propositions de différentes parties, doit servir de base à un accord.
    Mais loin de permettre de choisir parmi les nombreuses options entre crochets laissées à la décision des négociateurs, le travail en groupes thématiques de la semaine écoulée n'aura fait que compliquer le paysage. Des délégations, notamment celles des pays en développement et des grands émergents, qui jugent ce texte trop favorable aux pays riches, ont réintroduit certaines de leurs exigences initiales. Et de 45 pages le 2 août, le document était passé à 100 feuillets vendredi.
    Les tensions restent vives entre pays riches et monde en développement. Si les discussions entre pays industrialisés ont permis d'affiner les mécanismes qui succéderont au protocole de Kyoto, qui prend fin en 2012, les représentants du Sud ont rappelé que les engagements actuels des gouvernements du Nord ne suffiront pas à limiter le réchauffement à 2°C.

    DÉCISIONS SECTORIELLES
    La Costaricienne Christiana Figueres, qui a succédé, le 1er juillet, au Néerlandais Yvo de Boer à la tête de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a appelé les pays du Nord à honorer d'urgence l'engagement, pris à Copenhague, de verser 30 milliards de dollars aux pays du Sud d'ici à 2012. Un geste indispensable, selon elle, pour avancer vers un accord.
    Une dernière réunion de préparation est prévue à Tianjin, en Chine, en octobre. Mais pour la plupart des observateurs, la conférence de Cancun permettra, dans le meilleur des cas, d'adopter des décisions sectorielles - forêts, transferts de technologies... -, renvoyant la conclusion d'un accord global et contraignant au mieux à la conférence, fin 2011, en Afrique du Sud.
    Grégoire Allix


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