• Le point de vue de Novethic

    Copenhague : le point sur les engagements

    A l'ouverture du sommet de Copenhague, la situation apparaît tendue entre les pays industrialisés et les grands émergents. Propositions contre propositions, chacun avance ses pions avec prudence mais détermination. Pour l'heure, l'incertitude demeure quant à la conclusion d'un accord ambitieux et contraignant à l'issue des négociations le 18 décembre.

    Accord ambitieux, échec ou statu-quo ?  Difficile pour l’instant de prévoir l’issue du sommet sur les changements climatiques. Car « chacun arrive avec son angoisse ou son inquiétude, les pays industrialisés avec leur compétitivité, les pays émergents, avec leur croissance et les pays vulnérables sont parfaitement démunis dans cette situation », a bien résumé hier Jean-Louis Borloo lors de son discours devant l’Assemblée Nationale. Ces derniers jours on a ainsi assisté à un jeu de valses-hésitations entre déclarations ambitieuses et propositions défensives, avec une sorte de match entre les pays industrialisés et les pays émergents, deux camps eux-mêmes subdivisés en différentes équipes…

    Des engagements variables

    Du côté du Nord, dans la course à la réduction des émissions, l’Europe fait toujours office de bon élève avec un engagement, pris dès décembre 2008, de réduire ses émissions de 20% en 2020 par rapport à 1990 et de 30 % dans le cas où un accord ambitieux serait signé. Si l’on a salué l’annonce d’objectifs chiffrés (-17% en 2020 par rapport  2005) de la part des Etats-Unis, ceux-ci restent en revanche plus que faibles si on les ramène à l’année de référence 1990 ; il s’agit alors seulement d’une réduction de 4% (et 22% en 2030) ! A la traîne également, le Canada qui avance des objectifs similaires ou l’Australie, dont le Sénat vient de retoquer – pour la deuxième fois en trois mois- le plan climat du gouvernemental prévoyant un diminution des émissions comprise entre 5 et 25% en 2020 par rapport à 2000…Quant à la Russie, la Commission européenne assure qu’elle serait prête à s’engager sur une réduction de 20 à 25% en 2020 par rapport à 1990, mais le Kremlin n’a pour l’instant fait aucune annonce officielle.

    Du côté du Sud, les pays les plus pauvres ne sont pas tenus, selon Kyoto, à des objectifs chiffrés de réductions des émissions de GES. Mais ces dernières semaines, les grands pollueurs ont pourtant faits un geste. Ainsi, le Brésil a annoncé « un engagement volontaire » de réduction de 36 à 39% de ses émissions par rapport à ses prévisions de 2020, l’Inde s’est dit prête à accepter un objectif mondial ambitieux de limitation de la hausse des températures ou de baisse des émissions, environ -20 à - 25 % de leur intensité carbone (émissions de GES par unité de PIB) mais à condition toutefois qu’il s’accompagne d’un « partage équitable du fardeau ». La Chine s’est, elle, engagée sur une diminution de son intensité carbone  de 40 à 45 % en 2020 par rapport à 2005. Un premier pas, salué par la communauté internationale, même si dans les faits, cela suppose une augmentation de 40 % des émissions par rapport à 2005.

    Nord contre Sud ?

    Mais le point de crispation est venu d’un projet dévoilé le 30 novembre, dans lequel le Danemark esquisse les contours d’un éventuel accord politique…Celui-ci propose ainsi de réduire les émissions globales de GES de 50% d’ici 2050 par rapport à 1990, un effort supporté à 80 % par les pays industrialisés mais sans étapes intermédiaires –ce que demandent aussi les pays les plus pauvres- avec un pic de rejets planétaires fixé à 2020 et avec l’objectif de contenir la hausse des températures moyennes à 2°C.

    L’initiative danoise, qui devait servir de base aux travaux de la conférence, a cependant suscité un vif rejet de la part des pays émergents, dont ceux-là mêmes qui annonçaient plus tôt des avancées significatives. Ainsi, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Soudan - qui préside le G77- ont rédigé leur propre document préparatoire. Celui-ci établit une sorte de « ligne rouge » fixée par 4 points non négociables : pas de « pic » de rejets ni de réduction contraignantes des émissions pour les pays en développement, pas de contrôle international des actions non financées par les pays industrialisés et pas de barrière commerciales au nom du climat imposées pour les exportations issus des pays en développement…

    Les points en suspens

    Le résultat des négociations parait donc plus qu’incertain. Pour l’instant, le Réseau Action Climat souligne tout de même que, concernant les objectifs chiffrés, on est loin des 40% de réductions des émissions de GES que préconisait le Giec à horizon 2020. Selon les derniers calculs, la baisse tournerait davantage aux alentours de 10 à 18%... 

    Surtout, la question du financement est loin d’être résolue. L’Union Européenne a ainsi estimé les besoins des pays en développement à 100 milliards d’euros par an, mais les différents Etats membres n’ont pu s’entendre sur la part incombant à chacun, concernant le financement public (qu’elle chiffrait entre 2 à 15 milliards pour l’Union). Lors du sommet du Commonwealth, fin novembre, la Grande Bretagne et la France ont également proposé la création d’un fonds initial de 10  milliards de dollars par an. Insuffisant, jugent les pays en développement qui demandent jusqu’à 300 milliards de dollars. Surtout, la crainte des ONG porte sur la question de l’additionnalité de ces financements. Si certains, comme la France avec le « plan justice climat » de Jean-Louis Borloo, proposent des mécanismes innovants avec des taxations nouvelles sur les transactions financières par exemple, le risque est grand que les Etats occidentaux puisent en premier lieu dans l’aide au développement, censée lutter contre la pauvreté, et dont les sommes sont pourtant aujourd’hui bien éloignées des objectifs (0,7% du PIB) fixés par l’ONU…

    Enfin, le doute plane sur la question de la forme que prendra l’accord - s’il existe - final. On évoque de plus en plus un accord « politiquement contraignant ». Un non-sens selon le Réseau action climat, qui rappelle que « juridiquement, ce terme n’existe pas », et qui milite pour l’adoption d’un traité juridiquement contraignant et assorti de sanctions financières en cas de manquements. L’autre interrogation reste celle de la temporalité : un tel document est-il envisageable à l’issue de Copenhague le 18 décembre, ou faudra-t-il attendre, comme on commence à le craindre, le sommet de Mexico, en 2010 ?

    Béatrice Héraud
    Mis en ligne le : 07/12/2009
    © 2009 Novethic - Tous droits réservés


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :