• L'insoutenable probabilité d'un choc pétrolier

    18.11.2010 Gael Giraud, chercheur au CNRS et à l'École d'Économie de Paris http://www.challenges.fr/

    Il faut taxer les énergies fossiles pour se préparer au pic énergétique, inévitable du fait de la très forte demande de pétrole et de la non-compétitivité actuelle des énergies de substitution.
    Un des dossiers de la présidence française du G 20 a trait à la régulation des marchés financiers sur les matières premières - le pétrole en particulier. Les marchés dérivés sur le pétrole pèsent 30 fois plus lourd que le marché physique. Le prix du brut n'est plus dicté par l'offre et la demande, mais par les mouvements de capitaux sur des contrats financiers, soumis à des bulles spéculatives. Remettre de l'ordre dans ce marché est nécessaire. Mais insuffisant si nous voulons de la lisibilité sur le prix de l'énergie ces prochaines années.
    Il se peut que nous connaissions un choc pétrolier dans moins de dix ans. Non pas qu'il n'y aura plus de pétrole : nous en avons pour un siècle au moins. Mais parce qu'il ne sera pas possible d'extraire chaque jour autant de pétrole que l'exigera la demande mondiale. Nous produisons près de 87 millions de barils par jour. Et une production journalière de 100 millions est sans doute impossible à dépasser, la plupart des provinces pétrolifères ayant atteint leur pic de production (depuis 2000, la production en mer du Nord baisse de 200 000 barils par jour chaque année malgré un flux d'investissement soutenu) ou allant l'atteindre. Et les gisements offshore permettront de retarder l'heure où la production mondiale va décroître. Or, d'ici à quelques années, la demande mondiale quotidienne dépassera les 100 millions de barils.
    A combien pourrait alors s'élever le prix du baril, qui influence les prix de 80 % de l'énergie mondiale ? A 147 dollars, comme à l'été 2008 ? A 500 dollars ? Impossible de répondre. Cela nous coûtera plusieurs points de PIB par an, et c'en sera fini de l'importation à coût de transport quasi nul des produits du Sud (et de la grande distribution). Avons-nous les moyens de substituer d'autres énergies aux hydrocarbures ? Non, sinon partiellement. Le nucléaire exigerait des investissements massifs et il se heurte au problème du retraitement des déchets. La production hydraulique est déjà à son point de saturation en Europe. Les agrocarburants nous mettent en face d'un dilemme : celui d'une surface cultivable bornée, où il faut choisir entre nourrir l'humanité et cultiver des énergies de substitution. Le gaz est l'alternative prometteuse. Mais nous ne savons pas faire rouler au gaz une auto à grande vitesse et à bas coûts. Comment nous préparer au pic énergétique ? Par une augmentation progressive des taxes sur la consommation d'énergies d'origine fossile. Dans le cas du pétrole, elle permettrait de lisser la hausse future des carburants, tandis que ses recettes permettraient de financer l'effort de transition vers une économie sobre en hydrocarbures.


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